Charles Godefroy passe sous l’Arc de triomphe L’exploit de Charles Godefroy est à replacer dans une double perspective finalement , celle de la victoire militaire de 1918 et celle, plus sombre, de la situation des aviateurs au sortir de la Grande Guerre. Passer sous l’Arc de triomphe est un projet qui habite de nombreux pilotes des débuts de l’aviation, tout , sous la tour Eiffel, ne serait-ce que pour , repousser les limites. L’heure est encore aux exploits de ce genre et les aviateurs passent pour être capables de tout. Pourtant l’Arc de triomphe représente un risque insensé. Certains s’y refusèrent, et non des moindres. Durant la guerre, Georges Guynemer, « l’as des as » aux cinquante-quatre victoires, avait déclaré que passer sous l’Arc était . Le pionnier du ciel, Roland Garros, un moment tenté par le projet, devait également y renoncer en prédisant la mort de celui qui oserait relever le défi. La victoire de 1918 et plus précisément le grand défilé sur les Champs-Elysées en 1919 précipitent la réalisation de l’exploit.
L’événement , d’autant plus que ce sera la seule fois qu’un pilote passera ainsi sous un monument parisien : en février 1926 l’avion qui a tenté de passer sous la tour Eiffel s’est écrasé au sol après avoir heurté un pilier. L’exploit de Charles Godefroy suscite l’enthousiasme des pilotes. Il leur permet également de réaffirmer la spécificité et la dangerosité de leur métier. Pour les habitants de La Flèche, en Mayenne, Godefroy devient un héros local ayant droit à une plaque sur sa maison natale. Et bien qu’en infraction totale avec tous les règlements de circulation aérienne, il n’est que par les autorités militaires.
Par ce geste, Godefroy a voulu poursuivre la tradition de courage portée par les aviateurs durant la guerre, tout en franchissant un tabou fort de la République, celui de l’Arc de triomphe (qui devient un an plus tard la sépulture du Soldat inconnu). Il entre bien dans la tradition des , de ceux qui vont bientôt tracer les aériennes à travers le monde, mais également dans le cercle vicieux du mécontentement de l’armée après la victoire. Plus largement, Godefroy dénonce aussi la stratégie de l’état-major qui ne voit dans l’aviation qu’une arme d’appoint à l’infanterie, conception qui, en 1940, coûtera cher à l’armée française.
Auteur : Philippe Gras Photographie : Charles Godefroy passe sous l’Arc de triomphe. Par Jacques Mortane |