L’Ermite. Recueil de poèmes, Guillaume Apollinaire
L’ERMITE
À Felix Fénéon
Des hiboux et voici le regard des brebis
Et des truies aux tetins roses comme des lobes
Des corbeaux éployés comme des tildes font
Une ombre vaine aux pauvres champs de seigle mûr
Non loin des bourgs où des chaumières sont impures
D’avoir des hiboux morts cloués à leur plafond
Mes kilomètres longs Mes tristesses plénières
Les squelettes de doigts terminant les sapins
Ont égaré ma route et mes rêves poupins
Souvent et j’ai dormi au sol des sapinières
Enfin Ô soir pâmé Au bout de mes chemins
La ville m’apparut très grave au son des cloches
Et ma luxure meurt à présent que j’approche
En entrant j’ai béni les foules des deux mains
Cité j’ai ri de tes palais tels que des truffes
Blanches au sol fouillé de clairières bleues
Or mes désirs s’en vont tous à la queue leu leu
Ma migraine pieuse a coiffé sa cucuphe
Car toutes sont venues m’avouer leurs péchés
Et Seigneur je suis saint par le vœu des amantes
Zélotide et Lorie Louise et Diamante
On dit Tu peux savoir ô toi l’effarouché
Ermite absous nos fautes jamais vénielles
Ô toi le pur et le contrit que nous aimons
Sache nos cœurs cache les jeux que nous aimons
Et nos baisers quintessenciés comme du miel
Et j’absous les aveux pourpres comme leur sang
Des poétesses nues des fées des fornarines
Aucun pauvre désir ne gonfle ma poitrine
Lorsque je vois le soir les couples s’enlaçant
Car je ne veux plus rien sinon laisser se clore
Mes yeux couple lassé au verger pantelant
Plein du râle pompeux des groseilliers sanglants
Et de la sainte cruauté des passiflores