Poète... vos papiers! La messe noire
La Martinique, 1947
la messe noire
Ce matin ça sentait la morue à l'église
Curés dépenaillés sacrés au coup de blanc
Ça fait sur l'estomac des emplâtres sanglants
Monsieur l'abbé penchait comme la tour de Pise
J'avais un bénitier tout frais dans ma cervelle
Les vieillards y venaient tremper de vieux pinceaux
Et peindre leurs péchés par le sang de l'agneau
Sur les orgues j'allais crisser mes chanterelles
Ce matin ça sentait un relent d'orémus
Des femmes aux torchons secrets faisaient la roue
Cherchant leur puberté volage chez Padoue
Pendant que l'officiant éjectait des lapsus
Le bouffon c'était lui là-bas ceint de dentelles
Et saint de par la sainteté des oripeaux
Pendant que le soleil violait aux vitraux
Leur pauvre volupté d'authentique aquarelle
Leurs têtes s'essayaient à celles des oracles
Un bedeau maléfique était leur supporter
Il avait une gueule à la Stabat Mater
De quoi faire avorter mille cours des miracles
De sordides abbés jouaient de la trompette
Pétant leurs triolets assassins dans l'aigu
Sublimant des fox-trot latins sur air connu
Pendant qu'il m'arrivait des odeurs de crevette
Et moi j'étais Judas d'Europe ou bien d'ailleurs
Les deniers me crevaient les poches comme un songe
Les autres me crevaient la bouche avec l'éponge
Qui sur la croix ébouriffa l'autre Amateur
Moi j'étais l'argument de ce monde à l'envers
J'étais le substratum inquiet de ces fripouilles
Des verbes gras se conjuguaient tant à mes fouilles
Qu'il en sortait de pornographiques paters
Lors je dis Merde à Dieu pour leur donner plaisir
Car il fallait jouir leurs colères latentes
Ils me couchèrent comme un compte en main courante
Essayant leurs crachats et croyant me bénir
Complet dit la putain qui me tenait le front
Ça dégueulait sinistre et rouge de mes bouches
J'étais criblé d'azur et l'arbitre de touche
Faisait passer sous le manteau des faux-bourdons
Festoyant l'alibi des filles en goguette
Touchaient leurs chapelets comme on fait des péchés
Et les garçons les regardaient se déhancher
Près des confessionnaux loués à l'aveuglette
*
*
Ah se désemmômer d'la Seine
Et poétiser le béton
Énucléer l'œil des persiennes
Et défigurer les bâillons
Mettre aux chevaux de la dentelle
Des pampas sacrés dans leur sac
Fourgue tes harnais haridelle
Le vent du large fait des couacs ...