Poète... vos papiers! Barbès
barbès
A Barbès-Rochechouart j'ai rencontré Satan
Il avait le teint rose et doux comme une orange
Il s'épluchait gaiement dans les basques du temps
Qu'un chronomètre usé ourlait de sa vidange
Des filles aux foulards hurlant leur univers
S'en allaient doucement drapées de ma tendresse
Ces soirs-là je rentrais chez moi tout de travers
Tout en griffant les murs anciens de ma détresse
Trottoirs se racontant l'orgie des vieux bistrots
Affiches où les noms transpiraient l'hiéroglyphe
Becs de gaz de Paris qui me ressemblaient trop
Ma rue avait alors des pitiés de pontife
J'avais un petit Christ sculpté dans de la chair
Et le montrant aux yeux inquiets des populaces
Je m'en tapais un vieux bifteck d'entre deux airs
La transsubstantiation ça me rendait vorace
Et m'abîmant tout seul en des rêves sereins
Dans un hôtel fameux où la passe est sanguine
Je passais lentement sur le ventre vaurien
D'un ancien rossignol jaloux de ma poitrine
L'oraison que distraitement je lui dictais
Susurrait en clef d'ut des libertés publiques
Ça vous avait tout l'air d'un chant ultra-secret
Car mon doux rossignol lisait mal la musique
Vieil hôtel de la terre à Barbès à Paris
Tous les bidets du monde ont chanté vos outrages
Outrageuses vertus plissées en organdi
Vos culottes de passe arrimaient mon veuvage
Et vos yeux que teignait la bonté des jardins
Quand les printemps de vos vingt ans faisaient la roue
Me regardaient comme on regarde un vieux tapin
Qui misérablement au désespoir se noue