Redon À soi-même (13)
Voilà les compensations qui nous sont acquises pour longtemps, pour toujours, et pour se renouveler encore. On reconnaît un homme au choix qu'il fait de sa compagne, de son épouse. Toute femme explique l'homme dont elle est aimée, et celui-là réciproquement, peut révéler le caractère de celle-là. Il est rare à l'observateur de ne point trouver entre eux une foule de liens intimes et délicats qui lui rendront plus facile l'étude de la vie et la compréhension du cœur d 'autrui. Je crois que le plus grand bonheur sera toujours le fruit de la complète harmonie et le mal-être moral naîtra toujours en ceux qui n'ont point cédé. Le plus aimé des deux est le plus près de la perfection. Mais une parfaite union ne peut vraiment naître que dans le mérite ; elle prouve de part et d'autre une mtelligence constante des droits réciproques et des devoirs. C'est là le secret de la paix et de l'harmonie : hors de là, c'est la discorde : mille preuves à l'appui pour celui qui sait discerner à travers les imperceptibles tendances du cœur, en ce monde infini d'aspirations et de désirs qui l'animent, le déchet désastreux des biens perdus, les débris de la fête et les douleurs qui les accompagnent.
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Quand je suis seul, j'aime les grandes routes ; avec moi seul, je m'entretiens. Mes pas libres vont facilement et mon corps laisse alors mon esprit sans entraves ; il discute, il raisonne, il me presse d'interrogations. Mais avec Dieu, en ami de la nature, je préfère les sentiers embarrassés sous les obstacles d'un chemin sauvage que nul travail humain n'a touché. Je laisse aller mon pied dans l'herbe humide et m'inspire au contact de la branche que mon visage effleure ; les pierres, les buissons, quoique remplis de ronces, ne m'arrêtent que pour m'entretenir et me parler ; et, même sous un bois noir, bien sombre, j'aime l'orage, la pluie abondante, le froid, les glaces et la neige ; tous les frimas dont les hommes se plaignent ont pour moi un éloquent langage qui m'attire, me charme, et m'a toujours donné de profonds ravissements. L'art plastique est mort sous le souffle de l'infini. Heureux les sages dont la vie est pondérée, et dont les forces font équilibre avec le désir. Ils nous dominent, quelles que soient la médiocrité et l'infériorité de leurs intelligences ; ils nous jugent, ils nous dominent parce qu'ils ne luttent pas. Une vie tranquille est une vie méritée. Les nobles l'ont ; n'en soyons pas jaloux. Quand je suis seul, j'aime les grandes routes ; avec moi seul, je m'entretiens. Mes pas libres vont facilement et mon corps laisse alors mon esprit sans entraves ; il discute, il raisonne, il me presse d'interrogations. Mais avec Dieu, en ami de la nature, je préfère les sentiers embarrassés sous les obstacles d'un chemin sauvage que nul travail humain n'a touché. Je laisse aller mon pied dans l'herbe humide et m'inspire au contact de la branche que mon visage effleure ; les pierres, les buissons, quoique remplis de ronces, ne m'arrêtent que pour m'entretenir et me parler ; et, même sous un bois noir, bien sombre, j'aime l'orage, la pluie abondante, le froid, les glaces et la neige ; tous les frimas dont les hommes se plaignent ont pour moi un éloquent langage qui m'attire, me charme, et m'a toujours donné de profonds ravissements. L'art plastique est mort sous le souffle de l'infini. Heureux les sages dont la vie est pondérée, et dont les forces font équilibre avec le désir. Ils nous dominent, quelles que soient la médiocrité et l'infériorité de leurs intelligences ; ils nous jugent, ils nous dominent parce qu'ils ne luttent pas. Une vie tranquille est une vie méritée. Les nobles l'ont ; n'en soyons pas jaloux. Par leur haute assurance à vivre de loisirs, de leurs fortunes, ils ne choquaient que les âmes bien nées : ils ont l'honnêteté, la dignité, la bonté même ; leurs manières sont exemptes des petites préoccupations bourgeoises : là n'est pas leur tort.